LE HAVRE (traduction)

J’ai toujours cru que la marée était un exercice physique. Une extension lente et, ensuite, un retrait rapide. Un caprice volumétrique d’eau et de la vie qui y est dissoute.
Au lieu de cela, j’ai découvert son expansion temporelle. La marée est un artifice qui multiplie les minutes. C’est une aide liquide pour les naufragés de la terre. Mille marches sous les arcades. Identiques à hier. Le bourdonnement des bistrots et le vent qui règne à chaque coin de rue. L’appel répété des albatros.
Une autre centaine de marches et une fine pluie de nuages que vous ne pouvez pas voir. Pluie de cinquante marches, pas plus. Rails de tram. L’herbe fraîchement humide. Les pierres salées, au-delà de ce mur. Être assis est la bonne récompense.
Le soleil ne meurt pas, car le temps ne meurt pas. Ailleurs il fait nuit. Voici une marée de lumière têtue.
Les pieds dans l’eau, qui se retirent, jusqu’à la limite la plus basse. L’air est maintenant ferme, immuable. Rien que du vent d’ailes silencieuse. Seul vent d’ailes silencieuses. Et Le Havre se noie dans des seaux de rose.
Je reviens sur les pierres. Je retrouve mes chaussures. Encore mille pas, dans la nuit amère. En quête de sommeil.

 

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